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s’appellent les Tempêtes, les Old Blagues, les Bulles de la Guillotine,
les Mercenaires ou encore les Old Hirelings, OH pour les intimes...
Affranchis du rugby de club, de ses obligations, de son esprit de
compétition, ils se sont quand même constitués en équipes afin de
disputer plusieurs fois par an des matches entre eux. Par passion du
jeu, des copains, goût de la rencontre : allez savoir. Une chose est
sûre : ici, pas d’autre trophée à gagner que le panache de l’avoir
emporté – ou perdu – mais avec la manière.
Marginal il y a dix ans encore, le phénomène du rugby
« folklo » prend aujourd’hui de plus en plus d’ampleur, au point qu’une
majorité d’équipes s'est regroupée au sein de l’AFFR : l’Association
France folklo rugby. "L’association est née il y a dix ans sur un coin
de comptoir, raconte son actuel président, Thierry Detwiller, pilier
dans l’équipe des Tempêtes. A l’époque, nous tournions à six équipes
d’amateurs, et nous nous sommes fédérés pour pouvoir négocier des
assurances de groupe".
DR/Tempetes
Les Tempêtes rencontrent le XV août...
loin de la moquette du Stade de France !
C’est comme ça que naît l’AFFR, avec une règle simple
: pas de championnat, pas de compétition à outrance, mais des
rencontres régulières, dans un esprit convivial, au sein de groupes
allant, selon les niveaux, de la « poupoule » à la « poule de luxe ».
Car il est loin le temps des six équipes de départ : aujourd’hui,
l’AFFR compte 76 équipes, majoritairement constituées autour de Paris
et de la région parisienne. Soit un effectif oscillant entre 2500 et
3000 joueurs, qui revendiquent leur amour de la balle ovale et leur
statut d’électron libre. De quoi déplaire, d'ailleurs, aux instances
officielles de la FFR qui voient à regret ce vivier de joueurs
s'éloigner des règles établies du rugby moderne pour cultiver à sa
guise son bout de gazon et son rugby folie.
Pas sûr, pourtant, que les deux mondes soient liés.
" Beaucoup de gens ne veulent pas de la contrainte des clubs, analyse
Thierry Detwiller. Deux entraînements et un match par semaine, c’est un
gros investissement. Par ailleurs, beaucoup de gens venus à Paris pour
travailler et qui pensaient ne plus jouer, retrouvent la folklo avec
plaisir . Ceux-là ne reprendraient, de toute façon, pas de licence". La
décision de la FFR de faire jouer les équipes réserve à 12 a également
rejeté aux portes des clubs les tenants du jeu à 15. Sans compter tous
les adeptes convertis sur le tard : passé 18 ans, difficile d’être
formé en club. "Un jour, on a vu arriver un gars avec une tenue toute
neuve de rugbyman et un ballon tout propre, sourit Thierry Detwiller.
Il n’avait jamais fait de sport. Il nous a dit qu’à 32 ans, il était
temps de s’y mettre". Et il n’a, bien sûr, pas tardé à jouer, formé,
sur le tas, par les anciens.
Il suffit d’un noyau dur de quelques joueurs,
d’un bon esprit et de quelques amitiés ovales pour monter une équipe
folklo. L’équipe des Mercenaires, par exemple, s’est bâtie sur un fonds
d’anciens joueurs de Clamart, épaulé ci et là par quelques anciens de
Coulommiers. Les OH s’apparentent pour leur part au Stade Français. Les
Tempêtes sont le fruit d’une équipe de militaires revenus de
l’opération "Tempête du désert ", les Petits Pères se sont nommés
d’après le bar un temps tenu par leur fondateur, Bernard Lachèze, un
ancien, lui aussi, du Stade Français. D’autres équipes, ont des
origines plus corporatistes, comme le Rugby Club du Palais, l’équipe
des avocats, les Reporters Sans Manière, équipe de journalistes, ou
bien encore les Tontons Flankers, bâtie autour d’un effectif policier.
Fabrice Delage
Rien n'arrête les équipes folklo...
Qu'ils soient affiliés ou non à l'AFFR, tous ceux-là
se connaissent bien et se croisent au fil des rencontres pour s’en
aller donner des nouvelles aux autres quelques semaines plus tard. Ils
ont codifié une forme de rugby d'attaque reposant sur un jeu de relance
à la main, façonné des chansons "à la manière de" (Allô maman folklo)
et créé un esprit particulier : adversaire sur le pré, solidaire
partout ailleurs. Seul problème récurrent : l’accès aux stades étant
archi réservé aux équipes de clubs, les folklos ont bien du mal à
trouver des plaines de jeu. Les plus utilisées, celles, arides, du
Polygône de Vincennes, de Pershing ou de Bagatelle, ont le mérite
d’absorber une partie de la demande, mais laissent aux genoux et aux
coudes des souvenirs cuisants. Quant aux vestiaires, eau chaude en
option, bienheureux lorsqu’il y en a ! Il n’empêche : rien ni personne
n’arrête deux équipes folklo décidées à en découdre. En tout bien tout
honneur bien sûr : avis aux mauvais joueurs, l’AFFR a déjà exclu une
équipe pour violence, tandis que deux autres sont actuellement en
période probatoire.
En marge des terrains, la vie associative est tout aussi active.
Exemple : après avoir publié un livre de photogaphies en noir et blanc
(le Bouquinz), édité "Hier soir",
une compilation de chroniques post entraînements dont le ton oscille
entre Denis Lalanne et San Antonio, financé un voyage en Afrique du
Sud, l’équipe des Petits Pères se prépare dès aujourd’hui à rallier
l’année prochaine Madagascar. Objectif affiché : jouer le rugby des
îles, s’ouvrir à d’autres cultures, faire la fête au passage, et
rapporter de nouveaux souvenirs.
C’est donc tout cet esprit, d’entreprise et de passion du rugby,
généralement tapi dans l’ombre, qui devrait flotter un temps sur le
Champ de Mars : ce samedi 20 octobre à 10h30, plusieurs équipes se sont
donné rendez-vous "pour un grand rugby familial" et une mêlée géante.
Vous ne les connaissez pas ? C’est l’occasion ou jamais de les
découvrir : on est prié d’apporter ses amis.